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''IL M'AURAIT DEMANDÉ N'IMPORTE QUOI, JE L'AURAIS FAIT''

Adolescente, Angélique Cauchy a subi des viols, des humiliations ainsi que des violences psychologiques de la part de son entraîneur de tennis. Plus de vingt ans après les faits, la jeune femme de 36 ans a accepté, pour franceinfo: sport, de se replonger dans son histoire.

''J'ai été violée près de 400 fois par mon entraîneur de tennis, pendant deux ans.'' Cette phrase, Angélique Cauchy n'arrive à la prononcer que depuis quelques mois. En 1999, alors qu'elle n'a que 12 ans, elle tombe sous l'emprise de son entraîneur de tennis, Andrew Geddes. Victime de viols à répétition dans le cadre de son sport, cette native du Val-d'Oise, aujourd'hui âgée de 36 ans, se confie pour la première fois publiquement, deux ans après la condamnation en appel de son agresseur à 18 ans de réclusion criminelle pour "viols, agressions sexuelles avec autorité et sur mineur de 15 ans'', avec interdiction d'entraîner à vie et obligation de soin, et pour "viols, agressions sexuelles avec acte d'autorité sur mineur de plus de 15 ans" sur trois autres filles, Astrid, Margaux et Mathilde. Contacté par franceinfo: sport, l'avocat d'Andrew Geddes lors du procès indique qu'il "ne souhaite pas faire de commentaires sur une procédure qui a été jugée définitivement."

Elle nous donne rendez-vous le 25 avril dernier dans un ciné-bistrot de Bayonne (Pyrénées-Atlantiques), ville où elle a décidé d'écrire un nouveau chapitre de sa vie depuis 2019. Assise face à la grande baie vitrée donnant sur l'Adour, fleuve qui coupe la ville en deux, Angélique Cauchy affiche un large sourire, avec des yeux clairs rayonnants et un sweat où un surfeur brodé fait un clin d'œil à sa région d'adoption. Rien qui ne laisse deviner l'épreuve qu'elle a traversée et qu'elle s'apprête à raconter. Même si son regard s'assombrit légèrement au moment de dévoiler son histoire, sa voix est posée, son discours fluide.

Un mode opératoire rodé

Cette rencontre est le début d'un long et terrible chemin de croix. ''Assez rapidement, il a essayé de me mettre en confiance en me disant que j'étais un diamant, que j'avais largement le potentiel pour être dans les dix meilleures mondiales, se souvient Angélique Cauchy. Et à côté de cela, il dévalorisait ma famille, en disant qu'elle n'était pas assez bien pour moi, que j'étais plus intelligente qu'eux'', ajoute-t-elle.

''J'avais un déficit de reconnaissance de la part de ma famille et notamment de mon père. Il a vu cette faille et s'y est engouffré.''

Séduire, isoler et culpabiliser. Une fois la victime conditionnée, l'agresseur peut alors parvenir à ses fins. Ce mécanisme, bien rodé, le coach l'a utilisé pour chacune de ses autres "proies". C'est ce que confirme Astrid Mezmorian, victime, juste après Angélique (de 2001 à 2003) d'Andrew Geddes, et âgée de 15 ans à l'époque des faits : ''Il avait un vrai mode opératoire : d'abord vous flatter en vous faisant sentir à part, puis vous dégrader en soufflant le chaud et le froid, pour ensuite se rendre totalement indispensable une fois qu'il vous a isolée. Cette personne devient tout pour vous car il ne vous reste plus rien par ailleurs''.

Traquer les failles et combler les vides affectifs. Rapidement, Andrew Geddes propose à Angélique, fan du PSG, de l'emmener voir des matchs du club de la capitale. ''On ne sortait pas beaucoup avec ma famille, et on ne partait pas en vacances ailleurs que dans la famille de ma mère en Espagne. Mais j'étais curieuse et j'avais envie de découvrir le monde. Mes parents n'ont pas vu le mal, ils voulaient me faire plaisir'', avance-t-elle. Au début, Andrew Geddes raccompagne Angélique chez elle après les matchs du PSG, puis propose de la garder à dormir, par commodité, raconte-t-elle.

''Il ne se passait rien d'anormal, si ce n'est que ce n'est pas normal d'aller dormir chez son entraîneur.''

''J'ai donc commencé à le voir un peu en dehors du tennis, il m'écrivait et m'appelait. Il avait demandé à ce que j'ai un téléphone portable pour pouvoir me joindre directement en prétextant que c'était plus facile pour les entraînements'', témoigne la jeune femme. Il lui propose ensuite de s'entraîner près de chez lui dans les Yvelines.

''On n'avait pas énormément d'argent, cela soulageait mes parents que quelqu'un m'emmène sur les tournois et gère mes entraînements. Ils m'ont laissée en toute confiance.'' Petit à petit, il prend de plus en plus de place dans la vie de sa joueuse. "Je suis comme ton deuxième père, t’es comme ma fille", lui lançait-il, affirme Angélique. Tantôt guide, tantôt confident, il acquiert progressivement la confiance de la jeune fille, faisant peser son autorité rassurante sur elle.

Les premières nuits qu'elle passe chez lui, il lui laisse sa chambre et dort sur le canapé. Avant de dépasser les limites, chaque fois un peu plus. ''Cela s'est fait progressivement, de manière insidieuse. Il a commencé par venir me border le soir, puis il est venu dans mon lit, m'a demandé s'il pouvait me serrer dans ses bras en me disant qu'il n'avait pas d'enfant, raconte Angélique sans marquer la moindre pause dans son récit. Puis, il y a eu les caresses sur le ventre, sur les fesses, et ensuite, il est venu se masturber à côté de moi.''

Les violences sexuelles arrivent en quelques semaines, le viol en à peine trois mois. L'engrenage est lancé. Nous sommes en 1999. Lors des six premiers mois, Angélique est sidérée par ce qu'elle vit. Comme anesthésiée, elle est incapable de la moindre réaction de défense : ''Mon cerveau était déconnecté quand ça arrivait'', témoigne-t-elle.

Le stage à La Baule, les ''15 pires jours de ma vie''

Outre ces menaces, Andrew Geddes utilise aussi des stages de tennis, et donc l'éloignement de ses victimes, pour y perpétrer des violences. A l'été 2000, un nouveau cap dans l'horreur est franchi. L'entraîneur propose aux parents d'Angélique de l'emmener gratuitement en stage à La Baule (Loire-Atlantique). ''Ça a été terrible d'être loin de ma famille pendant quinze jours. Il y a eu trois viols par jour pendant deux semaines'', raconte-t-elle.

''Le premier soir, il m'a dit de venir dans sa chambre, affirme-t-elle. Comme j'ai refusé, il est venu dans la mienne et cela a été pire. Je me suis sentie prisonnière car après les faits, j'ai dû rester à l'endroit où ça s'était passé. Du coup, les autres soirs j'y suis allée de moi-même, ce qui est terrible. J'ai passé les 15 pires jours de ma vie.'' Il reproduira ce même schéma lors d'autres stages à La Baule, notamment avec Margaux, la dernière de ses victimes, qu'il viole pour la première fois à 17 ans en 2013.

Fort de son impunité, l'homme poursuit Angélique partout. Il ne lui laisse aucun répit. Trois jours après la fin du stage à La Baule, alors qu'Angélique est en vacances en Espagne avec sa famille, il la rejoint avec sa compagne. ''Même là, je me suis dit qu'il ne me laisserait pas tranquille'', confie-t-elle.

Alors qu'Angélique vient d'avoir ses premières règles, sa mère en informe l'entraîneur. ''Quelques heures plus tard, il m'a dit : 'Dis donc, t'es grande maintenant, on va pouvoir faire plus de choses, mais il va falloir que je fasse gaffe'. Je me suis dit : 'Qu'est-ce qu'il peut bien faire de plus ?''', se livre Angélique, encore secouée à la prononciation de cette phrase.

''Impunité totale''

Sur le court aussi, l'entraîneur exerce son double jeu. Il alterne moments d'encouragement et d'humiliation publique. ''Quand je jouais mal, il me mettait sous terre. En tournoi, il lui arrivait de me laisser seule sur le parking à l'autre bout de l'Ile-de-France ou de la France. Je pleurais, puis il revenait me chercher, c'était l'horreur'', confie Angélique, toujours traumatisée par cette peur de l'abandon dans sa vie de femme. 

Il boit et s'énerve aussi régulièrement lors des matchs, dit-elle. ''Il me demandait de tricher pour gagner, ce qui était contre mes valeurs et celles de mon père. J'avais tellement peur de lui que je finissais parfois par le faire. J'ai commencé à me mettre à dos les autres joueuses, ce qui participait à mon isolement.'' Ces agissements, qui auraient pu alerter, sont toutefois restés dans l'ombre d'une ''impunité totale'', d'après les mots d'Angélique.

''Il se prenait pour Dieu et avait une omnipotence sur les enfants et les adultes. Personne ne disait rien, soit parce qu'ils avaient peur de lui, soit parce que, pour beaucoup, il était la raison des très bons résultats du club, qui était numéro un du Val-d'Oise.''

Pire, si aucune sanction n'a été prise, selon Angélique, aucun signalement n'aurait été formulé au sein du club. Contactés par franceinfo: sport, les dirigeants actuels ne sont pas en mesure de "témoigner de cette époque" remontant à plus de vingt ans. Les signaux d'alerte n'auraient pourtant pas manqué. Comme lors de ce jour où Andrew Geddes a demandé à Angélique de lui faire une fellation dans le local à matériel : ''Nous étions seulement trois au club, lui, moi et un barman. A un moment, ce dernier est descendu et a essayé d'ouvrir la porte, fermée à clé de l'intérieur. Il a appelé pour voir si quelqu'un répondait. Je ne pouvais pas parler car il m'avait mis sa main sur ma bouche'', raconte Angélique.

Après quelques minutes, Angélique remonte seule, en dernier. ''J'avais les yeux rouges tellement j'avais pleuré. Pourtant, le barman ne m'a rien demandé. J'ai 13 ans, il sait que nous sommes seulement trois dans le club à ce moment-là, que le local est fermé à clé de l'intérieur et que je remonte en pleurant, mais il ne dit rien. Ça me paraît dingue'', s'exclame-t-elle, révoltée. 

Le règne de l'omerta

Totalement sous le joug de son bourreau, Angélique se décrit alors comme le ''clone'' de son entraîneur, dont elle suit inconsciemment le modèle : ''Je suis devenue triste sur le terrain. Et puis, je m'habillais comme lui, je portais ma casquette à l'envers comme lui, je mangeais la même pizza que lui et de la même manière que lui, en laissant les bords sur le côté, alors que j'adorais ça'', se souvient-elle.

Pourtant, là encore, personne ne réagit. ''Il y avait une espèce d'omerta où tout le monde savait que ce qu'il se passait était louche. Comme les gens n'étaient pas sûrs, ils se disaient que ce n'était pas à eux de gérer, mais aux parents. Mais c'est une faute de ne pas protéger les enfants'', dénonce Angélique, la voix légèrement tremblante, ses yeux plongés droit dans les nôtres.

Un an après le début des violences, Angélique essaie de prendre ses distances avec son entraîneur. Pour tenter de desserrer l'étau, elle participe à davantage de tournois proches de chez elle afin de s'éloigner et de ne plus avoir à dormir chez lui. Si les violences s'espacent, elles continuent encore pendant un an.

Mais le véritable déclic a été son changement de téléphone pour son quatorzième anniversaire. ''Ma mère m'a offert un Nokia 3310 bleu ciel et je me suis toujours promis de ne jamais répondre à son numéro : 06 ********'', récite sans la moindre hésitation Angélique, HPI (haut potentiel intellectuel) et hypermnésique, un don naturel mais aussi une malédiction dans son cas. Elle dont le cerveau n'a pas pu effacer, ne serait-ce que partiellement, les atrocités qu'elle a subies.

''Encore aujourd'hui, il m'arrive de donner machinalement son numéro au lieu du mien. C'est un numéro que j'emmènerai avec moi dans la tombe. Je ne pourrai jamais l'oublier.''

Elle ne lui répondra plus. A la rentrée 2001, elle s'arme de courage et réussit à vaincre la peur qui la tétanise : elle demande à changer d'entraîneur, avant de changer de club l'année suivante. ''Personne n'a vraiment posé de questions, se remémore-t-elle. On disait que je n'étais plus sa préférée. En réalité, il avait vu que je m'étais échappée et comme tout prédateur, il avait trouvé une autre proie.'' 

Le silence pour protéger sa famille

Si Angélique a mis deux ans à se détacher de cette emprise, elle avait conscience, dès le départ, que ce qu'il se passait n'était pas normal. Pourtant, la petite fille d'alors 12 ans se mure dans le silence. ''Il disait que si je parlais, je ne pourrais plus m'entraîner avec lui et que je deviendrais nulle'', commence-t-elle. Mais c'est surtout pour préserver l'équilibre de sa famille qu'elle préfère se taire.

''Si je n'ai rien dit à l'époque, c'est parce qu'un jour mon père nous avait dit, à ma soeur et à moi : 'Si quelqu'un vous fait du mal, je n'attendrai pas que justice soit faite, je lui mettrai une balle entre les deux yeux, quitte à prendre vingt ans de taule.' Je ne voulais pas prendre le risque que mon père se fasse justice lui-même et aille en prison", confie celle qui n'a ''jamais eu un rôle d'enfant dans sa famille''.

Seule dans ce combat, elle mettra finalement deux ans, après les premières violences, à se sortir de l'engrenage. ''J'étais complètement sous emprise, il m'aurait demandé n'importe quoi, je l'aurais fait'', souffle-t-elle. Aujourd'hui, Angélique regrette d'avoir gardé le silence. 

''Parce que j'ai fait le choix à 12 ans de ne pas parler pour protéger ma famille, j'ai aussi fait le choix de ne pas sauver les prochaines victimes.''

Elle n'en parlera en effet que des années plus tard lorsqu'un jour, l'une des victimes, Astrid, l'appelle et lui annonce qu'elle va porter plainte. La prescription des faits concernant cette dernière tombait quatre jours après. ''Elle m'a dit, se souvient Angélique, 'ça fait longtemps que je ne suis pas bien, et si je ne le fais pas maintenant, je m'en voudrai. Et j'ai des doutes pour toi.' C'est la première fois que j'ai répondu oui.''

Il faudra trois mois à Angélique pour porter plainte à son tour, en mars 2014, à quelques jours de son 27e anniversaire, date à laquelle elle lâche la raquette en tant que joueuse. Après quelques années dans l'encadrement de jeunes, elle arrêtera définitivement le tennis en 2017. Depuis peu, elle retrouve du plaisir à travers le padel.

Au total, elles sont quatre – Angélique, Astrid, Margaux et Mathilde – à déposer plainte contre ce même entraîneur. Angélique Cauchy a été la plus jeune de ses victimes au moment des faits. Lors du procès, la Fédération française de tennis (FFT) se porte partie civile. 

Une ''diarrhée verbale''

Commence alors une procédure longue et complexe. Un ''cataclysme nécessaire'' pour digérer l'horreur. A la brigade des mineurs, Angélique, qui n'avait encore jamais parlé, déballe tout. ''J'ai parlé pendant sept heures sans m'arrêter. Lors du procès, la capitaine de police en charge de l'enquête a dit : 'Pour Angélique, ça a été une diarrhée verbale'. Je me souvenais de tout, des lieux, des couleurs des sols et des murs, des formes de lampe, de la météo…'', énumère-t-elle, là encore grâce à son hypermnésie.

Mais le plus dur a été d'en parler à ses proches, qui n'ont pas eu la réaction qu'elle attendait. ''La première réaction de ma mère a été de me dire : 'J'espère qu‘il n'a pas touché ta sœur'. Moi aussi je l'espérais, mais j'espérais aussi qu'elle pense à moi'', explique-t-elle, la voix nouée. Elle affirme que ce manque d'empathie, voire d'affection de sa mère, a fini par rompre leurs liens, deux ans plus tard.

Elle coupe aussi les ponts avec son père et sa sœur. Selon elle, quand elle leur a raconté ce qu’il s’était passé, ils ne l’auraient pas soutenue et lui auraient fait porter le mal-être de sa famille… ''Ça a été très dur'', confie Angélique, qui aujourd'hui ''n'attend rien d'eux''. Mettre des mots sur ses traumatismes a été une nouvelle étape pour elle, qui enchaîne alors dérèglements du cycle menstruel, crises de boulimie et d'anorexie pendant plusieurs années. Entre perte et prise de poids excessives, Angélique est à la recherche d'un équilibre qu'elle ne parvient pas encore à retrouver. 

''Il passait d'une victime à l'autre, sur des cycles de deux ans''

Le procès se tient en 2020. Si les quatre victimes se connaissaient, elles découvrent à l'audience les détails des histoires et des violences subies par chacune d'entre elles. ''Tout est remonté et en écoutant les autres témoignages, je me suis rendu compte que je n'avais pas juste été violée, j'ai été violée avec violence'', affirme Angélique.

"Quand Margaux a dit à la barre : 'A la fin, je préférais qu'il me sodomise parce que j'avais trop mal à force, et je ne pouvais plus mettre de jeans', j'ai vrillé. Je me suis écroulée dans la salle des pas perdus, j'ai lâché un cri et je pense que ce jour-là, la petite fille de 12 ans est morte'', poursuit-elle. Une nouvelle blessure à surmonter, mais une étape essentielle dans sa reconstruction.

La feuille de motivation (énoncé des principaux éléments à charge pour chacun des faits reprochés) du verdict de la cour d'assises, que franceinfo: sport a pu consulter, dépeint "un homme charismatique et très intimidant". Il plaçait ses victimes ''sous son emprise en jouant de l'autorité que lui conférait son statut d'entraîneur omnipotent, mais aussi de l'idéalisation que les adolescentes vouaient à l'homme mature, de 20 ou 30 ans leur aîné''.

''Il passait d'une victime à l'autre, sur des cycles de deux ans, développe Angélique. À chaque fois, il cherchait des filles plus intelligentes que la normale, en manque d'affection et de reconnaissance de leur famille, ou des gens très sensibles'', précise l'ancienne espoir du tennis tricolore.

Des cicatrices physiques et psychologiques irrémédiables

Les séquelles de ces violences laissent des traces indélébiles chez chacune des victimes. Angélique souffre aujourd'hui d'un vaginisme sévère (peur de la pénétration) : ''Même chez le gynécologue, je ne peux pas faire de frottis'', confie-t-elle.

Plus que les séquelles physiques, il y a aussi les conséquences psychologiques, ''encore plus destructrices''. ''Ça m'a démolie, lâche Angélique. Encore aujourd'hui, j'ai peur de l'abandon, de l'autorité.'' Mais surtout, ''ce qui m'a le plus marquée, c'est lorsqu'il est venu me dire un jour : 'J'ai le sida, c'est sûr, je te l'ai donné.' A la fin des années 1990, c'est quelque chose qui faisait beaucoup plus peur que maintenant, ça m'a tétanisée. J'ai vécu de 13 à 18 ans en pensant que j'avais le sida. Mais il m'avait menti, juste pour me détruire. C'était peut-être encore plus destructeur que le viol", juge Angélique.

Andrew Geddes utilisera ce mensonge macabre avec ses autres victimes, causant, là encore, des dommages psychiques aux conséquences très lourdes. Astrid, qui évoque "des viols sur des parkings, dans la voiture, trois fois par semaine pendant deux ans'', souffre d'un syndrome de stress post-traumatique et vit dans ''une forme d'hypervigilance et d'hyperanxiété''. ''La perversion tue votre développement intérieur, on ne peut pas se construire en tant qu'adulte. Je me sens coincée à l'âge de mon traumatisme'', témoigne la jeune femme, aujourd'hui journaliste.

Pour Margaux, étudiante de 27 ans, les séquelles sont également nombreuses : ''J'alterne les périodes où je vais très bien et celles où je vais très mal. Je ne sais pas si on peut en guérir, ou si ce n'est pas un fardeau que je vais devoir porter toute ma vie'', s'interroge la jeune femme, qui a ''toujours une thérapie sous le coude''.

S'oublier en tant que victime et agir

Angélique ne veut ''plus être la victime'' mais plutôt ''tirer quelque chose de positif'' de son passé. C'est pourquoi elle a créé, avec Margaux et Astrid notamment, l'association Rebond, pour "aider les jeunes à grandir et à s'épanouir dans un cadre bienveillant. Je veux essayer de les protéger car on ne m'a pas protégée", souligne Angélique, pendant que Margaux pointe du doigt "cette grande permissivité, ainsi que la responsabilité des témoins". Depuis 2021, l'association organise, en lien avec la Fédération française de tennis, des interventions de prévention et de sensibilisation auprès de clubs et de ligues, ainsi que de la formation et de l'aide aux victimes.

Aujourd'hui professeure d'éducation physique et sportive, Angélique a gagné le combat qu'elle portait en elle depuis plus de la moitié de son existence, pouvoir raconter ce qu'elle avait vécu et entamer sa reconstruction. A présent, son objectif est de profiter de la vie. ''Je remercie aujourd'hui la petite fille de 12 ans que j'étais d'avoir choisi la vie et de m'avoir permis de rencontrer ma femme et mon fils'', glisse-t-elle, émue, fixant l'Adour, et marquant une pause, la première après deux heures de discussion.

Une ultime épreuve reste toutefois encore à franchir : la sortie de détention de son agresseur, condamné à 18 ans de réclusion criminelle en appel par le tribunal de Nanterre en 2021. Angélique s'interroge. ''Il est probable qu'il sorte de prison dans moins de 10 ans. Est-ce que tout ce temps lui aura été utile pour qu'il ne recommence pas ?''

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